En fonction de l’élevage qui aura fait naître votre chiot votre travail sera simplifié ou au contraire largement augmenté. En effet, les conditions de vie des premières semaines, les premières expériences de la relation avec l’humain, de l’environnement ainsi que le passif (ou l’actif) transmis par la mère auront déjà modelé certains comportements.
Comme nous le disons sans cesse, votre choix n’est pas anodin car vous ne démarrez pas d’une page blanche !
Le chiot traverse différentes périodes durant son développement cognitif ayant pour but de lui inculquer la méfiance ou, au contraire, la confiance et la conscience, la maitrise de ses propres capacités mais aussi des dangers auquel il risque d’être confronté. Le point commun de toutes ces périodes est de former à la survie et à l’efficience.
A ce stade nous ouvrons une première parenthèse : l’éducation d’un chiot ne se limite pas à lui inculquer des règles et à obtenir son obéissance. C’est même totalement secondaire tant qu’il n’a pas acquis une certaine aisance dans son environnement. S’il est tout à fait possible de lui enseigner à faire ses besoins dehors, à suivre les pas de son maître ou encore le sens de certains mots (assis, couché …) cette éducation là ne doit jamais passer avant les familiarisations. Ses immenses besoins exploratoires sont là pour nous le rappeler et devraient servir d’indicateur de disponibilité pour des apprentissages autres que la découverte de son environnement. En d’autres termes, tant que le chiot est captivé par l’emmagasinement d’informations sur son monde on donne la priorité à cette activité. Quand il est rassasié, on aborde le dressage à proprement parlé. Parenthèse à l’intérieur de la parenthèse : l’absence de désir d’exploration chez un chiot de quelques semaines est symptomatique d’anxiété.
Période 9 semaines – 16 semaines = Période de familiarisation par excellence
C’est l’âge idéal pour faire connaissance avec le monde dans lequel le chien va évoluer et c’est un âge d’autant plus idéal que les expériences agréables donneront lieu à une forme de généralisation, teinteront d’une couleur positive ce qui ressemble au vécu. Evidemment les expériences désagréables donneront lieu à la même généralisation mais négative cette fois. Ce n’est donc pas le moment de créer une peur des congénères, des humains en général, de certains bruits ou même de certains types de lieux.
Les expériences à vivre, outre celle d’être en permanence en sécurité auprès de sa famille, concerne à la fois l’environnement, les autres “habitants” de cet environnement et ce qui va constituer le quotidien non naturel du chien. C’est donc une période chargée qui demande de s’investir et de consacrer du temps à l’éducation.
Une base de 15 à 30 minutes quotidiennes consacrées exclusivement à la familiarisation est suffisante durant lesquelles une nouvelle expérience est proposée chaque jour. A ce rythme en quelques semaines, votre chiot sera familiarisé à l’essentiel.
Quel est cet essentiel ?
La liste est longue et d’autant plus longue que le travail de l’éleveur aura préparé le terrain ou pas. Il est souhaitable de familiariser, avec les précautions qui s’imposent, c’est à dire en habituant très progressivement et en tenant compte des zones de confort, d’inconfort ou rouge (cf plus bas), à :
→ plusieurs types d’environnements (urbain, périscolaire, agricole …) qui diffèrent de l’environnement de référence par les odeurs, les bruits, la présence d’éléments potentiellement effrayants (bouche à incendie, mobilier urbain, jeux pour enfants, matériel agricole …) sans oublier des sols de nature différente (bitume, plaque d’égout, escalators …) ; Les marchés, gares, sorties d’école, aire de jeux, rue commerçante, arrêts de bus, fermes, centre équestre … sont des lieux à faire découvrir pour les rendre neutres,
→ les congénères de tailles, couleurs, ports d’oreille et de queue, âges, tempéraments … différents dans le but d’obtenir une absence de réaction, pas forcément une attirance,
→ les cohabitants d’espèces différentes tels que chats, chevaux, vaches, moutons, volailles … qui doivent devenir des espèces amies, que l’on ne chasse pas
→ les humains sous tous leurs aspects, grands, petits, hommes, femmes, enfants, bébés, personnes âgées, de couleur, habillés d’accessoires divers (casque, parapluie …), avec une canne, en fauteuil roulant, en poussette … dont il ne faut pas avoir peur
→ les objets potentiellement effrayants faisant partie du quotidien des humains tels que aspirateur, tondeuse, véhicules de toutes sortes … qu’il va bien falloir supporter,
→ les manipulations de tous bords comme se laisser regarder les dents, la gorge, les yeux, les oreilles, se laisser peser, être installé sur une table, se laisser brosser, couper les ongles … auxquelles il va bien falloir se prêter,
→ le port d’accessoires tels que collier, harnais, laisse, muselière … auxquels on ne peut échapper,
→ la solitude, ce qui est contre nature à cet âge, ou l’attente en caisse de transport, en cage, à l’attache (à la porte d’un magasin par exemple), ce revers de la médaille domestication,
→ la/ les personnes susceptibles de s’occuper de votre chien à votre place et éventuellement au lieu (pension) où il sera amené à séjourner.
Comment s’y prendre ?
Il y a deux méthodes l’immersion ou l’association positive.
Nous vous déconseillons formellement l’immersion ou bien allumez un cierge en même temps !
Nous vous conseillons l’association positive qui consiste à procurer du plaisir au chiot en même temps qu’il vit l’expérience. Cela suppose dans un premier temps que la mise en situation ne provoque pas de peur (compromettant les apprentissages) donc que l’approche est progressive et encouragée au fur et à mesure des progrès jusqu’à obtenir une réduction suffisante de la distance. Inutile d’aller au contact rapproché lorsque ce n’est pas nécessaire. Dans les cas où la familiarisation concerne des manipulations ou l’habituation à la solitude, l’attente, c’est sur la durée que l’on travaille en renforçant cette fois l’acceptation, le calme. Dans tous les cas on ne pousse jamais un chiot dans la zone rouge, et pour se faire on reste très très attentif à tous les signes de détresse.
Parenthèse à propos de la zone de confort, d’inconfort ou la zone rouge, sachant que les stress s’additionnent (exemple : nouvel endroit + première expérience du port d’un collier/laisse + agacement du maître = mélange détonnant alors qu’individuellement cela aurait pu être toléré).
Zone de confort = sécurité non compromise, aucun danger en vue donc le chiot se met à l’écoute de ses besoins supérieurs ; le cerveau peut se concentrer sur la prise et l’analyse des informations, la mémorisation donc les apprentissages
Zone d’inconfort = alerte, potentiel danger, réel ou supposé, en vue donc le chiot se remet à l’écoute de son besoin de sécurité ; le cerveau se concentre sur l’analyse fine du danger, fait appel à ses bases de données pour élaborer la meilleure stratégie de survie, les apprentissages sont toujours possible.
Zone rouge = Survie en danger du point de vue du chiot, aucun autre besoin n’obtient la priorité (donc on ne peut plus compter sur les friandises), toute l’énergie est mobilisée pour échapper à la situation par la fuite ou l’agression de distancement, aucun apprentissage possible hormis l’association des déclencheurs et de la peur. L’immersion consiste justement à plonger le chiot dans ce contexte et dans cet état en espérant qu’il tirera les bonnes conclusions (finalement c’était pas dangereux). C’est extrêmement aléatoire d’une part et d’autre part c’est une forme de maltraitance eut égard les textes de Loi et l’éthique.
Afin de vous aider, nous avons imaginé un planning pour la période 9->16 semaines.
Les objectifs hebdomadaires sont de familiariser à au moins 1 autre espèce en insistant sur celles risquant d’être rencontrer, 1 humain d’apparence différente, 2 à 3 types de congénères inconnus, 1 nouvel endroit, 1 objet potentiellement effrayant, 1 manipulation ou 1 port d’accessoire ou 1 nouveau mode de vie. Chaque expérience est notée dans la case correspondant au jour et à la semaine afin de visualiser les avancées et peut être annotée de OK ou pas OK selon les difficultés rencontrées pour être retravaillé à une autre occasion.
et nous avons filmé une séance de familiarisation chien-chat pour vous donner un exemple parlant de moyens à mettre en œuvre (zen attitude, voix douce, friandises …) pour obtenir un bon résultat.
Les autres apprentissages de la période 9-16 semaines
La propreté, cette règle qui occupe tous les esprits
Un chiot est naturellement propre de son point de vue, c’est à dire qu’il ne se soulage ni dans son couchage ni là où il mange (s’il mange à un endroit fixe). Si ce n’est pas le cas, il faut peut être se poser la question des conditions d’élevage. Ne l’ont t’elles pas obligées à vivre dans un lieu exigu et à s’habituer à la présence continuelle d’excréments ? une nouvelle fois le choix de l’élevage ou du lieu d’achat n’est pas anodin.
Si votre chiot s’éloigne de sa gamelle et se lève de sa corbeille pour faire ses besoins c’est qu’il est propre.
Pour lui apprendre votre règle qui consiste généralement à aller faire dehors (c’est vague dehors d’ailleurs, un endroit précis est une meilleure idée), observez donc votre chiot ! après chaque repas et chaque sieste il aura probablement envie de se soulager ; avant de faire il cherchera toujours un endroit en reniflant le sol et parfois en tournant en rond => sortez le et accompagnez le à l’endroit autorisé ! lorsqu’il se soulagera, félicitez le ! récompensez-le ! Chez nous, nous ajoutons toujours la phrase “fais pipi” pour associer des mots à l’acte ce qui nous permet de le réclamer par la suite.
Dans un second temps, c’est à dire une fois seulement qu’il a pris l’habitude de se soulager dehors (=qu’il a appris qu’il existait un endroit pour se soulager) et uniquement si vous le prenez en flagrant délit de pipi-caca à la maison, faites lui savoir que c’est interdit en le coupant dans son élan juste en le soulevant du sol et en le portant à l’extérieur où vous demanderez un “fais pipi”. Ce “fais pipi” là devra être très fortement récompensé par des friandises et de chaleureuses félicitations afin d’être source d’une double satisfaction qui incitera le chiot à privilégier le dehors au dedans jusqu’à effacer l’envie, trop peu gratifiante, de faire dedans.
En cas d’accident, nettoyez à l’aide de détergent sans javel. Il n’est pas interdit de marmonner pour faire connaître son mécontentement mais par contre il est interdit de projeter sa colère sur le chiot ! s’il a fait dans la maison c’est uniquement de votre faute puisque vous ne lui avez pas permis de se soulager ailleurs.
Dans tous les cas n’attendez pas de miracle la nuit avant la fin de cette période car il est dans l’impossibilité de se retenir plusieurs heures. Comptez environ 1 heure à 1 heure 30 par mois d’âge en termes de capacités de retenue.
Le rappel
C’est le seul “commandement” qu’il est vraiment nécessaire d’enseigner à cet âge et pour lequel une obéissance doit être obtenue.
Bonne nouvelle : il est absolument naturel pour un chiot de revenir au rappel de son/ses êtres/s d’attachement car il sait que sa sécurité dépend d’eux (si on a pris la précaution de ne pas altérer cette conviction). Cependant il y a quelques exceptions au retour immédiat qu’il vous faut apprendre à repérer et à accepter ou à effacer.
1/ des odeurs absolument captivantes qui demandent une telle concentration pour les analyser que le chiot devient sourd (besoin exploratoire)
2/ une potentielle proie réelle ou de substitution qui détale et éveille le patron moteur de poursuite (besoin de prédation)
3/ un pote chien qui laisse présager un intense moment de jeux et d’échanges (besoin social)
Dans ces cas de figure, pour obtenir le rappel il vous faut devenir plus attrayant … ou patienter.
Par contre à la moindre ébauche de retour, et même si vous avez dû patienter longtemps, les félicitations et les récompenses doivent pleuvoir !
Quelques “conseils”
à ne surtout jamais suivre si vous voulez mettre en place une obéissance au rappel
→ Disputer, voire frapper le chiot qui finit par revenir
→ Isoler un chiot après son retour (pour le punir) ou le rattacher directement
→ lui courir après en criant
→ le rappeler d’une voix menaçante, multiplier les rappels en haussant le ton
En procédant de la sorte, je vous garantis la perte du rappel
et l’installation d’une méfiance à votre égard qui se généralisera à toutes les manipulations ultérieures
à suivre pour stimuler le retour et le renforcer
→ taper sur ses cuisses, s’accroupir
→ l’appeler d’une voix enjouée, hyper amicale
→ faire éventuellement mine de s’éloigner (attention quand même à ne pas créer une angoisse)
→ agiter son jouet favori qu’il obtiendra bien sûr au retour
→ travailler micro étape par micro étape au clicker training pour les chiots chargés (renforcement du simple regard posé sur vous, renforcement du premier pas vers vous, renforcement en cours de retour …). Cette méthode est à réserver aux problèmes de rappel importants liés à des erreurs éducatives(utilisation des méthodes déconseillées citées plus haut) ou des mauvaises associations (rappel=douleur). L’usage du clicker doit toujours être adapté à la situation et ne pas constituer le seul mode de renforcement positif (risque d’addiction).
Les autres commandements tels que “assis”, “couché”, “pas bouger” … peuvent également s’apprendre durant cet période mais ce n’est pas l’obéissance qui est visée, c’est la compréhension du sens des mots. L’obéissance ne s’apprend pas de toute façon, elle se stimule et se produit en fonction de l’intérêt ou pas à s’exécuter.
Un chiot, même de cet âge, sait parfaitement s’assoir, se coucher, rester en place … par contre il ne connaît pas la signification des sons qu’il entend et ne comprends pas toujours que vous formulez une demande.
Sa curiosité naturelle et sa tendance spontanée à la collaboration sont des alliés de taille durant cette période.
En prenant la précaution de mettre en place une communication basée sur l’empathie, la cohérence et la clarté du message donc une communication attractive, qui donne accès systématiquement à des gratifications, vous gagnez progressivement vos “galons” de référent.
Un chiot est d’autant plus réceptif et enclin à interagir qu’il n’est pas accaparé par d’autres préoccupations (sous les ordres de ses besoins fondamentaux, en prise avec la peur ou avec des douleurs) . Gardez cela en tête en toute circonstance et surtout lorsque vous envisagez de lui enseigner quelque chose.
Vous rencontrerez de multiples occasions, entre les exercices de familiarisation, les balades, les câlins, les jeux, pour développer son vocabulaire et son envie de répondre à vos demandes, saisissez les 😉
Se focaliser sur le dressage et l’obéissance, chercher à faire de son chiot un petit soldat, est une forme de maltraitance dans la mesure où cela ne respecte pas son rythme de développement cognitif ;
Se focaliser sur le dressage et l’obéissance risque de vous faire négliger les familiarisations qui sont les seules mesures préventives contre les morsures d’autoprotection ou de prédation.
planning des familiarisations essentielles sur la période 9-16-semaines
Journal d’une année d’éducation : Introduction
Journal d’une année d’éducation : le matériel et les accessoires selon les méthodes
Journal d’une année d’éducation : Phase 2 en théorie et en pratique (Période 16 semaines -> 1 an)