Définition de l’obéissance
Avant d’aborder l’obéissance en pratique, il nous semble important de définir l’obéissance et son principal levier : l’autorité.
L’obéissance est une forme de l’influence sociale. En psychologie sociale, il est question d’obéissance lorsqu’un individu adopte un comportement différent parce qu’un autre individu, perçu comme une source d’autorité, le lui demande/impose.
C’est donc cette autorité qui nous intéresse pour obtenir l’obéissance.
Il y a autorité et autorité
L’autorité peut être considérée comme une supériorité grâce à laquelle un individu se fait obéir en inspirant croyance, crainte ou respect.
Trois types de relations d’autorité s’opposent :
- la relation « maître – esclave » qui est une situation inégalitaire dans laquelle le maître n’a pour but que de maintenir son pouvoir sur l’autre,
- la relation « maître – élève » dans laquelle le maître a pour but de détruire l’inégalité en se faisant égaler, voire dépasser par l’élève et qui est une fin en soi,
- la relation “parent-enfant” dans laquelle le parent a normalement pour but de former l’enfant à devenir un adulte responsable et autonome, ce qui constitue également une fin en soi.
Le premier point important à retenir est que dans le cadre de la relation “maître-élève” et “parent-enfant”, l’autorité prend fin lorsque le but est atteint.
Il s’avère qu’en termes de relation “propriétaire-chien”, ce sont les modèle de relation “maître-élève” et “parent-enfant” qui nous intéresse pour le développement qu’elles génèrent.
Dans la relation “parent-enfant”, et bien que le but soit louable, l’autorité peut toutefois prendre des formes communes avec les autres types de relations.
→ Autorité fondée sur le pouvoir que l’on retrouve aussi dans la relation “maître-esclave”
→ Autorité fondée sur la position sous entendue supérieure que l’on retrouve aussi dans la relation “maître-élève”
→ Autorité fondée sur les compétences et l’expériences que l’on retrouve également dans la relation “maître-élève”.
Il va sans dire que la première forme d’autorité, l’autorité fondé sur le pouvoir, ne nous intéresse pas car c’est la forme qui entraine crainte, méfiance et/ou hostilité ouverte.
Les formes d’autorité qui vont nous intéresser sont l’autorité fondé sur la position* et l’autorité fondée sur les compétences à transmettre.
Petite parenthèse à propos de la position : Prompts sont les adeptes de la hiérarchie à confondre dominance et supériorité. La supériorité est liée à la fonction du supérieur ; il est le garant de quelque chose ce qui va de pair avec des responsabilités et des devoirs. Dans le cadre de la relation “parent-enfant” cette position de supérieur va de pair avec des responsabilités, entre autres, de garant de la sécurité et d’accès aux ressources. Dans le cadre de la relation “maître-élève” cette position de supérieur va de pair avec des responsabilités de garant des apprentissages. Le parent est d’ailleurs également un maître au sens professeur quand il enseigne les règles de vie en bonne entente et autres compétences ; le parent est davantage un “parent-professeur” ayant un double rôle pour qui le défi est de faire progressivement le deuil de sa position de supérieur au fur et à mesure que son “enfant-élève” n’a plus besoin de sa protection et de son aide et qu’il acquiert expériences et capacités propres.
La dominance, elle, est une supériorité qui cherche à être permanente ce qui est contraire et contradictoire avec la fonction de parent ou de professeur. Un parent ou un professeur ne cherche pas à maintenir son enfant dans la dépendance et la vulnérabilité et son élève dans l’ignorance. Normalement.
De l’obéissance instinctive à la collaboration
Tous les chiots obéissent à leur mère de manière innée sans qu’elle n’ait besoin de leur demander. Il s’agit d’une relation fondée sur l’autorité de position (rôle protecteur, apaisant et nourricier de la mère). Les chiots étant très vulnérables et incapables d’autonomie, leur survie tient à cette obéissance naturelle.
Petit à petit et au fur et à mesure de leur développement physique et cognitif, les chiots gagnent en connaissance de leur environnement et d’eux même ce qui ne remet pas encore en question l’autorité que leur mère exerce sur eux. Avant cela il va leur falloir apprendre certaines règles sociales toutes aussi fondamentales puisque les chiens sont une espèce grégaire, “programmée” si l’on peut dire pour vivre en groupe. La socialité reposant en grande partie sur la communication intraspécifique, l’enseignement dont ils vont bénéficier est celui du langage canin comportant à la fois des signaux de distancement, des signaux d’apaisement et des signaux de ralliement. En tant que professeur la mère bénéficie d’une autorité fondée sur l’expérience en plus de son autorité fondée sur la position.
Au cours des jeux et des soins l’ensemble du répertoire comportemental va se mettre en place. En prenant modèle sur leur mère mais également sur d’autres référents ou par essai spontané, des comportements vont être expérimentés. Certains seront renforcés quand ils permettent d’obtenir ce qui les motivait ; d’autres à l’inverse vont êtres abandonnés quand ils ne le permettent pas. Parallèlement, au cours de son exploration de son environnement et à travers les expériences qu’il vit une certaine représentation du monde et de lui même se dessine dans l’esprit du chiot.
En toute logique, plus (+) cette connaissance de lui même et de l’environnement augmente et plus (+) le répertoire comportemental s’enrichit, moins (-) une autorité extérieure fondée sur la position et sur l’expérience est nécessaire.
L’obéissance ne disparaît pas totalement pour autant. Pour qu’une cohésion s’installe une autre forme d’autorité des uns sur les autres se met en place mais il s’agit d’une autorité circonstancielle (qui dépend des circonstances) et variable qui permet la collaboration à un projet commun. L’élève ayant rejoint voire dépassé dans certains cas le professeur en termes de connaissances et de capacités, l’adulte autonome ayant remplacé le chiot vulnérable et totalement dépendant, tous œuvrent au profit de l’harmonie du groupe en prenant alternativement au gré de leurs états d’esprit, de leurs motivations et de leurs compétences particulières les rôles de directeur des opérations ou d’exécutant.
C’est à cette collaboration parfaitement fonctionnelle que tout propriétaire doit parvenir avec son chien, à cette obéissance circonstancielle à ses demandes étant entendu que ses demandes doivent revêtir également un intérêt pour son chien.
L’obéissance en pratique
L’obéissance dépend beaucoup de l’âge, ou plutôt de la maturité du chien. Plus il sera expérimenté moins il sera enclin à s’en remettre à une autorité extérieure, son autorité intérieure, en d’autres termes son libre-arbitre et ses références, prenant progressivement l’ascendant.
Ce processus d’intériorisation est bien connu en psychologie humaine et donne lieu à la fameuse phase d’adolescence durant laquelle l’autorité intérieure semble revendiquer “ses droits” et s’oppose à l’autorité extérieure.
Le parallèle psychologie humaine et psychologie canine est osé mais il permet de donner une explication à la crise que traverse également les jeunes chiens faisant souvent “craquer” les propriétaires et les amenant à avoir recours à une autorité fondé sur le pouvoir pour obtenir l’obéissance malgré tout. A leur décharge, c’est également ce que font les parents et les professeurs avec leurs enfants et leurs élèves lorsque leur position et leurs compétences perdent de leur valeur. Les chiens par contre, eux, ne tombent pas dans ce piège. Ils s’avèrent, pour cette seconde raison (la première raison étant le résultat qu’il obtiennent : la collaboration), un excellent modèle à suivre.
Rien ne nous interdit de nous inspirer de la méthode canine ; tout même nous y engage compte tenu de son taux de réussite 🙂
A l’âge où le chiot est généralement accueilli dans la famille, il est évident qu’il a grandement besoin d’une autorité fondée sur la position et sur l’expérience pour se construire et devenir une personnalité sereine et épanouie. Un cadre sécuritaire “géré” par des individus compétents en la matière est indispensable à l’exploration tandis que l’accès à des sources d’inspiration (modèles), des sources de savoirs et des sources d’encouragement permettent les apprentissages positifs.
Le propriétaire d’un chiot sera donc bien inspiré d’offrir ces conditions idéales de développement sachant qu’il se verra gratifié en retour d’une autorité lui permettant d’obtenir très facilement l’obéissance … à cet âge.
A l’âge où le jeune chien semble ne plus vouloir obéir qu’à son autorité intérieure, l’autorité extérieure fondée sur la position et celle fondée sur l’expérience restent nécessaires. Position et expérience persistent même si elles sont moins flagrantes : le propriétaire restera à vie du chien responsable de lui et en devoir de veiller sur lui tandis que sa meilleure connaissance du milieu, ses capacités propres à sa nature humaine lui confèrent une qualification dans certains domaines qui restera inégalée. Toute la difficulté réside dans le fait de ne pas imposer mais au contraire de proposer pour permettre au jeune de s’en remettre à ces autorités lorsqu’il est confronté à une difficulté ou se retrouve dans une impasse.
Enfin, une fois adulte, c’est à dire à un âge où l’autorité intérieure du chien est censée suffire à le maintenir en sécurité et à lui faire adopter les comportements adaptés à la vie de famille, il est clair que les formes d’autorité fondées sur la position et l’expérience n’auront lieu d’être que ponctuellement. Ce sera le cas lors d’activités où le propriétaire retrouvera une position supérieure liée à son rôle, ses responsabilités et devoirs de propriétaire (en balade par exemple). Ce sera le cas également au cours des activités où il sera dotée d’une qualification plus importante comme les activités inaccessibles au chien sans l’intervention humaine.
Comme cela s’avèrera fréquent, compte tenu de l’environnement humain dans lequel vit le chien, cela devrait rassurer les propriétaires qui pensaient à la lecture de ces lignes qu’ils allaient devoir abandonner l’idée de se faire obéir. Reste à faire la démonstration de cette qualification au chien ce qui est un autre problème mais un problème humain et non canin, les chiens n’éprouvant pas de difficultés à s’en remettre à plus compétent qu’eux comme peut en attester l’organisation incroyablement efficace des groupes sociaux.
En conclusion
L’obéissance n’est finalement qu’affaire de valeur accordée à la demande par celui qui la reçoit. Plus la valeur est élevée, plus la demande obtient satisfaction. Ce qui donne une valeur sûre à une demande est sa légitimité. Encore faut-il convaincre le chien de cette légitimité et pour cela pas d’autre chemin que celui de prouver qu’on a une meilleure maitrise de certaines situations et qu’on est le gardien permanent de son bien-être, qu’il sera toujours gagnant en finalité.