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Education positive, bienveillante ou non violente ?
Isa.valcreuse 28 octobre 2020

Suite à un récent débat, nous pensons nécessaire de clarifier notre position et notre conception de l’éducation canine respectueuse du bien-être de l’animal et de sa famille.

Pendant des années nous nous sommes réclamées de l’éducation canine dite positive puis lui avons préféré la qualification de bienveillante en prenant conscience du rôle que nous tenions pour nos chiens voisin du rôle de parent.

Comme tout parent, notre travail consiste à contribuer à l’adaptation, à l’intégration et à l’épanouissement de ceux dont nous avons la responsabilité.

Comme tout parent nous constituons un modèle ayant une fonction pédagogique au moins aussi importante que les leçons que nous essayons de donner.

Enfin comme tout parent, nous sommes nous même le fruit d’une éducation mais aussi d’une culture et d’une histoire rendant difficile l’analyse objective de nos propres comportements en tant qu’éducateurs. Cette éducation, cette culture et cette histoire ont la particularité de polluer nos actes volontaires tant que nous ne les avons pas conscientisées en envoyant des signaux parasites à nos interlocuteurs. Enfants et chiens perçoivent et reçoivent parfaitement ces signaux et sont incapables de les relativiser contrairement à l’adulte mature et serein. C’est pourquoi il nous apparait comme primordial de s’occuper de solutionner un maximum de conflits internes avant de prétendre être un modèle parfait. C’est le travail d’une vie. C’est pourquoi nous ne prétendons pas être un modèle parfait à suivre.

En psychologie humaine, on fait référence à la notion de parent suffisamment bon. Lorsque nous accompagnons des familles dans l’éducation de leur chien, nous gardons cette notion en tête afin d’éviter que le perfectionnisme patenté ne s’invite dans la partie. Le perfectionnisme va de pair avec un jugement très critique envers soi et les autres. Il génère des angoisses et des comportements excessifs. Ce sont autant de polluants et de perturbateurs du système que nous préférons éviter.

L’éducation canine est une affaire sérieuse qui demande bien plus que la maitrise de techniques. Cela demande, selon nous, des capacités à évaluer en permanence les effets des apprentissages au delà des résultats flagrants comme la modification du répertoire comportemental. Le relationnel entre les membres de la famille est également en jeu. Cela demande donc, toujours selon nous, des capacités à ajuster la pédagogie selon les individus et les circonstances pour préserver ou mettre en place un relationnel sain qui s’inscrive dans la bientraitance.

La bien traitance est l’ensemble des pratiques permettant de respecter le bien-être. A partir de là tout est dit.

Voilà pour la version courte. Nous vous proposons une version longue ci-après pour vous expliquer sur quoi a porté notre réflexion avant ce débat et après ce débat sur les réseaux sociaux. Se situant entre le droit de réponse et le complément d’argumentation, cet article s’impose selon nous puisque dans l’hémisphère de l’éducation non coercitive il n’y a pas de consensus. On peut même dire qu’il y a une véritable divergence de point de vue.

 

Définition de l’éducation positive

 

Pour commencer il faut déjà définir ce qu’est l’éducation positive car c’est bien là que le problème prend racine. Il semble en effet qu’aucune définition mettant tout le monde d’accord n’existe pour cette éducation canine. Beaucoup se réclament d’elle, nous les premières pendant des années, le temps en fait que nous comprenions que l’éducation positive était devenue une sorte de copie de l’éducation positive des enfants qui elle est parfaitement définie.

L’éducation positive des enfants en quelques mots

Elle propose un modèle pédagogique basé sur la considération et le respect de l’enfant, l’accueil de ses émotions, l’accompagnement dans ses apprentissages, l’encouragement à la coopération. Empathie et bienveillance sont à la base même de l’éducation positive. Le Conseil de l’Europe la définit comme
Un comportement parental fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant, qui vise à l’élever et à le responsabiliser, qui est non violent et lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein développement

Lire ici un article qui détaille l’éducation positive

Sur le papier elle a tout d’attrayant d’autant qu’elle est validée par les neurosciences qui ont démontré les effets délétères de l’usage de la violence éducative.

Elle s’appuie sur un principe, gagnant-gagnant, et emploie la communication non violente, une autre discipline permettant des interactions sociales moins conflictuelles, plus respectueuses de l’autre et par effet cascade plus constructives. En deux mot : c’est l’idéal.

Et c’est bien ça le soucis. L’éducation positive est un idéal vers lequel il est souhaitable de tendre. Comme tout idéal il est essentiellement théorique. L’un des principal reproche qui est fait à l’éducation positive est de générer une grande culpabilité chez les parents qui ne parviennent pas à faire usage d’explications et d’encouragements en toutes circonstances. Et pour cause. Elle ne propose pas ou peu d’outils utilisables au quotidien et adaptés à la pluralité des situations (parents solo, emploi du temps chargé, etc.). Elle condamne également les violences éducatives ordinaires (VEO) que tout parent est amené à utiliser en situation d’urgence pour la sécurité de l’enfant. Enfin, si elle évoque bien la nécessité de poser des limites, elle ne dit pas clairement comment hormis en prônant le jeu pour l’acquisition des règles. Si l’acquisition de ce que l’on doit faire est un aspect d’une règle, l’acquisition de ce que l’on ne doit pas faire est l’autre aspect auquel l’éducation positive ne semble pas vouloir s’intéresser.

Mais il est un autre reproche qui lui est fait et pas des moindres. Elle est devenue dogmatique en s’imposant comme une vérité indiscutable (?!) définie par une autorité compétente (la science ?). Elle ne permet pas d’avoir une position nuancée vis à vis de ses principes.

Loin de nous l’idée de remettre en question la science, et notamment les lois de l’apprentissage (abordées plus loin) mais la science a cette particularité de mettre au jour de nouvelles lois … chaque jour. Au rythme où avance la connaissance sur le cerveau depuis le début du XXIème siècle, est il bien raisonnable d’ériger en vérité indiscutable cette nouvelle façon d’éduquer les enfants ? Que faisons-nous si demain la science démontre que certaines aires du cortex pré-frontal pâtissent de l’absence d’expériences désagréables ? On réhabilite la sanction ? Une position tranchée qui repose sur des connaissances scientifiques partielles est susceptible de devenir absurde ou obsolète. Ce qui se justifie d’elle risque alors de devenir absurde ou obsolète à son tour.

L’éducation positive des enfants se fonde également sur un développement comportemental uniformisé des enfants censé servir de guide. Un problème se pose. Que fait-on avec les enfants n’entrant pas dans le moule ? On va peut être nous répondre que si l’enfant a bénéficié d’une éducation positive dès la naissance, il se développera tel que prévu. Béhaviorisme quand tu nous tiens ! Quid des accidents de la vie ? Quid de la vie in utéro ? Quid également de la génétique ?

L’éducation positive représente un progrès indéniable. Elle a toute sa place dans un programme éducatif global mais il y a un monde de situations qu’elle ne permet pas de gérer idéalement.

Pour en revenir à l’éducation canine, il nous a été expliqué que pratiquer l’éducation positive signifiait faire usage quasi exclusif du renforcement positif, de la récompense (le R+ sera abordé plus loin dans le paragraphe sur les lois de l’apprentissage).

Sauf qu’en éducation positive humaine, la récompense n’a pas lieu d’être.

On lui préfère l’explication des résultats positifs sur l’humeur du parent par opposition à l’explication des résultats négatifs sur l’humeur du parent lorsque le comportement n’est pas souhaité. Il y a donc comme une incohérence à prendre pour modèle une éducation et à remplacer l’un de ses principes par un autre, surtout un principe qu’elle rejette fermement. Et on comprend pourquoi elle le rejette puisque l’usage de la récompense créé des automatismes tendant à faire diminuer la réflexion, l’initiative, la créativité et l’évolution vers l’autonomie. En neuro pédagogie on accorde une importance assez capitale à l’inhibition des heuristiques (heuristique = méthodes de résolution de problèmes rapide et simpliste). Si l’éducation positive canine se veut à l’image de l’éducation positive humaine, il serait peut être judicieux qu’elle se pose certaines questions sur le recours exclusif au R+ et sur ses conséquences d’autant que parmi les conséquences on trouve aussi le risque de dérèglement des systèmes de régulation des neuro-médiateurs.

Cela nous amène à parler d’un courant moins extrême de l’éducation canine, celui de l’éducation bienveillante.

 

Définition de l’éducation bienveillante

 

Nous utilisions cette appellation car elle évoquait l’état d’esprit dans lequel il convient d’être lorsque l’on éduque. Cette appellation nous apparaissait comme plus appropriée lorsque l’on a pour objectif de contribuer au développement de son élève et non comme objectif de le formater pour son profit. Car n’oublions pas que parmi les adeptes de l’éducation positive on retrouve des manipulateurs des compétences canines et de leur mental n’ayant pour but que d’asservir le chien à leurs désirs. Il serait intéressant d’ailleurs d’évaluer parmi les extrémistes (autant dans le positif que le coercitif) le nombre de personnes réellement animées par l’épanouissement de l’animal et la mise en place d’une cohabitation saine et bénéfique au deux parties.

L’adaptation de l’animal à son environnement et son intégration dans la famille sans que les uns ou les autres aient à subir cette intégration supposent qu’il y ait des règles et des limites à ne pas dépasser au risque d’empiéter sur le bien-être d’autrui. L’éducation bienveillante selon nous se distingue de l’éducation positive par cet aspect. Toujours selon notre conception de cette éducation, elle prévoit de stimuler et renforcer les auto-contrôles, le raisonnement et d’instaurer une communication bi-latérale faisant usage de messages d’encouragement ou de découragement. Pour ce faire elle fait usage des lois de l’apprentissage dans la limite de la bientraitance il va sans dire car plus que des comportements standardisés elle cherche à enseigner l’écoute et le respect de l’autre, la patience si nécessaire, la pondération et la recherche de la meilleure solution.

Nous avons toujours prôné le R+ pour encourager. Nous avons toujours privilégié le P- pour décourager. C’est somme toute parfaitement normal lorsque l’on est dans une démarche éducative emprunte de bienveillance autant à l’égard de l’autre que de soi même. Restons réalistes. Lorsque le soin prodigué à l’autre épuise ou compromet sa propre intégrité, on doit pouvoir disposer d’un moyen d’y mettre un terme ou de le refuser. Mais tout est, ou devrait être, une affaire de communication.

A en croire certains, il est interdit de communiquer quoique ce soit d’autre que des « oui, c’est bien » au chien que l’on éduque. Si le « oui, c’est bien » est impossible, on devrait devenir aussi neutre qu’un arbre dans le paysage. Parlons nous des mêmes personnes humaines et canines, ces êtres de communication PER-MA-NEN-TE ?

Petite parenthèse à propos de la communication

Lorsque l’on s’intéresse à la communication on se rend compte que ce n’est qu’une histoire de signaux envoyés et reçus avec de possibles perturbations sur le trajet qui compromettent plus ou moins la réception et la compréhension du signal. Le perturbateur le plus courant est l’émotionnel. Il est tellement courant que peu de signaux sont dénués d’émotionnel (à part le clic du clicker par exemple et encore). Un signal nécessite également d’être interprété ce qui met en jeu la cognition du récepteur. C’est là que le bat blesse bien souvent puisque la cognition fait appel à des croyances propres à chacun pour donner un sens au fameux signal.

Bref, c’est pas évident de communiquer clairement !

Le feedback, ou retour d’expérience, est un indicateur de la réception et de la compréhension par le récepteur du sens du signal. S’il n’y a pas de feedback, c’est que le signal n’a pas été reçu. S’il est négatif – et on pourrait aussi discuter de cette qualification de négatif – c’est que le signal n’a pas été compris ou bien qu’il a éveillé chez le récepteur un émotionnel qui le met en mode défensif. On peut traduire cela par : j’ai pas compris ce que tu voulais dire ou j’ai pas envie de comprendre ce que tu veux dire parce que cela me pose des problèmes en interne ou j’ai pas envie d’entendre ce que tu veux dire car cela gène ma stratégie.

Bref à nouveau, qui dit communication dit réaction !

Mais n’est-ce pas là le but de la communication, faire réagir l’autre ?

Lorsque l’on part du postulat que la masse des signaux que l’on émet dépasse de loin la conscience que l’on a de les émettre, on admet que l’on est susceptible en permanence de faire réagir l’autre et on arrête de nier faire usage de signaux aversifs ou attractifs selon les circonstances puisque le propre des êtres de communication est d’émettre et de recevoir des signaux émis par les autres pour les faire réagir ou pour réagir soi même.

Cela nous amène à aborder les fameuses lois de l’apprentissage puisque l’évocation de P+ a mis le feu aux poudres.

Définition de renforcement et punition au sens donné en éducation canine

Renforcement = augmentation de la probabilité d’expression d’un comportement
Punition = diminution de la probabilité d’expression d’un comportement

En d’autres termes, si un comportement se produit de façon plus fréquente c’est qu’il a été renforcé (R) ; si un comportement se produit de façon moins fréquente c’est qu’il a été puni (P).

A propos du + et du – ajoutés après R et P

Ils concernent le stimulus associé.
+ = addition d’un stimulus pour qu’il soit associé au comportement et influence la fréquence de son expression ultérieure
– = soustraction d’un stimulus pour qu’il soit associé au comportement et influence la fréquence de son expression ultérieure

Aversif = caractérise ce qui provoque de l’évitement, ce qui est plutôt désagréable. Sur le plan émotionnel, ce qui est aversif génère de la tristesse, de la peur ou de la colère d’intensités plus ou moins modérées.

Attractif = caractérise ce qui provoque de l’attraction, ce qui est plutôt agréable. Sur le plan émotionnel, ce qui est attractif génère plutôt de la joie ou soulage des émotions négatives.

R+ = augmentation de la probabilité d’expression d’un comportement par addition d’un stimulus. Il est d’usage de considérer que le stimulus est attractif dans le cas de R+. Le chien aura tendance à exprimer de plus en plus le comportement parce que le comportement lui a permis d’obtenir une récompense ce qui a eu un effet positif sur son état émotionnel.

R- = augmentation de la probabilité d’expression d’un comportement par soustraction d’un stimulus. Il est d’usage de considérer que le stimulus est aversif dans le cas de R-. Le chien aura tendance à exprimer de plus en plus le comportement qui lui a permis de se soustraire – et c’est là que le débat aurait du avoir lieu – à un inconfort, une douleur, un malaise ayant un effet négatif sur son état émotionnel.

P- = diminution de la probabilité d’expression d’un comportement par soustraction d’un stimulus. Il est d’usage de considérer que le stimulus est attractif dans le cas de P-. Le chien aura tendance à exprimer de moins en moins le comportement qui lui a valu de perdre l’accès, d’être privé de ce qu’il convoitait ce qui a un effet plutôt négatif sur son état émotionnel.

P+ = diminution de la probabilité d’expression d’un comportement par addition d’un stimulus. Il est d’usage de considérer que le stimulus est aversif dans le cas de P+. Le chien aura tendance à exprimer de moins en moins le comportement qui lui a valu de recevoir – et c’est là que le débat aurait du avoir lieu aussi – une sanction physique ou psychologique, un feedback négatif, ou n’importe quel comportement ou signal de son humain générant chez lui une émotion plutôt négative.

Avec quelques exemples, vous allez comprendre où nous voulons en venir et pourquoi nous avons dit que l’art est dans l’usage de P+

Si à l’approche d’un chien inconnu au loin, je remet mon chien en laisse pour éviter qu’il n’aille à sa rencontre, je fais usage de P+. Je cherche à faire diminuer/inhiber l’expression du comportement « aller au contact » en ajoutant un stimulus aversif, la laisse, y compris si la laisse est agréable en temps normal, puisqu’elle est synonyme dans l’exemple d’une privation de liberté de mouvement, donc elle génère une frustration chez le chien. Pour le coup en tant que prolongement de la laisse, je deviens également un stimulus aversif.

Si après avoir croisé le chien et avant d’enlever la laisse je m’arrête et j’attends le plus calmement possible que mon chien arrêter de trépigner d’impatience, je fais usage de R-. Je cherche à stimuler l’expression du comportement « maitriser son excitation » en ôtant au chien la possibilité d’avancer ce qui génère de la frustration à nouveau chez le chien. Je deviens alors également un stimulus aversif par extension.

Si au retour du travail, je suis énervé ou déprimé par ma journée et répond aux salutations de mon chien par une caresse et quelques mots gentils qui laissent transparaître mon état émotionnel. Je fais usage involontaire de P+. Je risque de faire diminuer l’expression du comportement « saluer son humain » par ajout d’un stimulus aversif, en l’occurrence mon état émotionnel qui se manifeste par l’émission incontrôlable de plusieurs signaux visuels, auditifs, olfactifs et kinesthésiques inquiétant pour le chien. Je suis clairement un stimulus aversif.

Si de ce fait mon chien se met à m’observer de loin avant toute entrée en contact parce qu’il se pose des questions. Je fais usage involontaire de R-. J’ai augmenté l’expression du comportement « observer de loin » en privant mon chien des témoignages d’affection dus dans de telles circonstances entre membres de la même famille. Je génère de la frustration ou de la tristesse chez lui. Je suis devenu un stimulus aversif malgré moi.

Car ce qui compte est l’effet sur le chien, l’effet sur son état émotionnel (est ce que cela génère de la joie ou à l’inverse de la tristesse, de l’inquiétude ou de l’agacement ?) et l’effet sur ses comportements futurs (est ce qu’ils vont augmenter ou diminuer en vertu de la volonté du chien à renouer avec cet état émotionnel ?)

Réduire l’explication de R+, P-, P+ et R- à Yes! Zut! Aïe! et Ouf! est rapide et simpliste. C’est encourager à un heuristique (voir définition dans le dernier paragraphe sur l’éducation positive) or un heuristique n’aboutit pas forcément à une solution face à un problème. Certains mènent parfois carrément dans une impasse.

Je m’interdis l’usage de P+ donc je m’interdis de rattacher mon chien en laisse ?
Je m’interdis l’usage de P+ donc je nie émettre des signaux aversifs ?

Quand nous disons que l’art est dans l’usage de P+, nous sous-entendons qu’il est nécessaire de bien prendre conscience des messages que nous émettons volontairement ou involontairement et de s’inquiéter de l’effet qu’ont ces messages sur l’état émotionnel et les comportements futurs du chien.

Réduire P+ à la notion de sanction c’est oublier ce « détail » d’importance tellement considérable que certaines tentatives d’usage de R+ aboutissent à des diminution du comportement attendu malgré la distribution de friandises ou de caresses. C’est oublier que le chien est un récepteur qui privilégie d’autres canaux sensoriels. C’est aussi se croire supérieur en termes de contrôle de soi, une sorte de maître Yogi ayant atteint le niveau le plus haut de maitrise de sa communication non verbale. Là on a envie de dire LOL!

Quand nous disons que l’art est dans l’usage de P+, nous disons aussi qu’en tant que parent responsable du bien vivre ensemble au sein de la famille et en tant qu’humain ordinaire devant prendre soin de lui aussi ne serait-ce que pour être capable d’assumer ses responsabilités, nous ne pouvons pas nous permettre de faire l’impasse sur la mise en place de règles et de limites à certains comportements. On a souvent pas d’autres solutions que d’utiliser P+ avec toute la mesure et la bienveillance qui s’imposent, un P+ limité à des mots ou une attitude qui ne fait ni mal, ni peur.

Le Non! n’apprend rien est à la fois vrai et à la fois faux. Le Non! ne donne pas d’indication sur le comportement à adopter, il suspend juste l’action. En quoi cela entrave t’il l’apprentissage si c’est utilisé pour signaler l’erreur ou l’interdit et inviter à essayer autre chose ? Faire croire que le Non! inhibe totalement l’individu et nuit à son développement est encore une fois rapide et simpliste, encore une fois on encourage un heuristique, un raccourci cognitif (On en vient à se demander dans quel but. L’encouragement aux heuristiques est le propre des politiciens et des publicitaires qui cherchent à obtenir des adhésions ou des achats. C’est contraire à la démarche d’un éducateur, voire de quelqu’un qui cherche à éveiller un tant soit peu les consciences). Tout est question d’association avec un stimulus attractif ou aversif. Il y a des Non! qui servent de signal d’interruption et des Non! qui servent de signal de changement de direction. Ceux-là invitent à apprendre un autre comportement.

Quant à disposer d’un Non! signal d’interruption de tout comportement parce qu’il y a danger immédiat pour le chien ou un tiers, on peut croire pouvoir s’en passer, travailler le maximum de comportements alternatifs au R+ en amont, familiariser à tout, exercer autant que possible son contrôle sur l’environnement, le risque zéro n’existe pas, pas plus que l’invariabilité en matière d’émotions, de ressentis, de besoins. Sans compter que cette histoire du Non! que l’on ne devrait jamais utiliser est fréquemment une histoire du nom du chien que l’on va hurler pour lui sauver la vie ou sauver celle de sa cible. Quel parent bienveillant laisserait son enfant se mettre en danger ou mettre en danger quelqu’un d’autre sans intervenir ?

L’éducation positive humaine est devenue dogmatique mais l’éducation positive canine n’a rien à lui envier. C’est d’autant plus dangereux qu’il est admissible pour certains (pas pour nous) de conditionner l’animal au point de modeler tout son répertoire comportemental, de ne lui laisser comme possibilité que de se comporter tel que l’humain l’a préalablement défini. Où est la bienveillance là dedans ? où est l’épanouissement ? où est le développement du potentiel ?

Plutôt que de réduire la définition d’éducation positive ou bienveillante à l’usage de telle ou telle loi de l’apprentissage, ne serait-il pas plus constructif et bénéfique pour les familles en quête d’un accompagnement éclairé, de définir des limites en matière d’aversivité des stimuli et de définir aussi des limites en matière de conditionnement ?

Ceci dit, en ce qui nous concerne nous lui donnions un sens assez précis. L’adaptation de l’animal à son environnement et son intégration dans la famille sans que les uns ou les autres aient à subir cette intégration supposaient qu’il y ait des règles et des limites à ne pas dépasser au risque d’empiéter sur le bien-être d’autrui. L’éducation bienveillante selon nous devait stimuler et renforcer les auto-contrôles et instaurer une communication bi-latérale faisant usage de messages d’encouragement ou de découragement selon les situations.

Nous avons toujours prôné le R+ pour encourager. Nous avons toujours privilégié le P- pour décourager. C’est somme toute parfaitement normal lorsque l’on est dans une démarche éducative emprunte de bienveillance autant à l’égard de l’autre que de soi même. Restons réalistes, personne n’est à ce point altruiste qu’il fait taire ses besoins essentiels.Lorsque le soin prodigué à l’autre épuise ou compromet sa propre intégrité, on y met un terme ou on le refuse.

En conclusion

 

Disons le clairement, nous n’avons que faire que l’on nous accorde l’appellation positive, bienveillante ou toute autre appellation. Si certains veulent nous classer parmi les coercitifs, qu’ils le fassent. Leur avis tranché sur la question ainsi que leur argumentaire niant jusqu’au fait qu’ils font usage en permanence eux-même, comme tout être de communication, de l’ajout de stimulations aversives ayant pour effet de faire disparaître ou d’empêcher un comportement (cf la loi de l’apprentissage appelée P+) nous indiquent qu’ils ont une vison biaisée de la réalité, emprunte de croyances limitantes et de peurs diverses, et sont dans la démonstration de la fameuse perfection évoquée en introduction. Le perfectionnisme est un symptôme d’un conflit interne et personnel entre sens moral et représentation de soi et c’est bien souvent un sens moral exacerbé, héritage de sa propre éducation et de sa culture, qui vient mettre le bazar dans leur tête et dans les débats.

Tout changement de paradigme génère des réactions, des réticences. Tourner en ridicule celui qui le propose est une stratégie commune pour ne pas dire banale. Les tentatives d’humiliation et de discrédit acharnées montrent l’ampleur des réticences à faire face et à accepter le fait de n’être pas qu’une source de plaisir pour son animal mais parfois aussi une source de déplaisir. Lorsque cela permet de créer sans violence des limites et de ne pas tout accepter de lui il n’y a pas de malveillance, ni de maltraitance. Il y en aurait vis à vis de soi même si on ne le faisait pas et un risque de négligence. Tout ceci au nom de la sacro-sainte bienveillance dont on se réclame. En quoi humiliation et discrédit sont bienveillants ? La bienveillance et l’empathie sont des valeurs que l’on se doit de mettre en application dans toutes ses interactions sociales pour se réclamer d’elles. Elles sont de la même famille que l’anti-spécisme, l’écologie, elles cohabitent difficilement avec les exceptions. C’est comme affirmer que l’on respecte l’environnement et désherber sa cour au Rundup.

Nous savons que servir de cible va de pair avec le fait de lancer une discussion sur un sujet complexe et cela ne nous pose aucun soucis tant qu’on est dans l’échange d’arguments. D’un coté il y a les porteurs d’une thèse. De l’autre les porteurs d’une anti-thèse. Nous avons été, avec d’autres professionnels de l’éducation canine, les porteurs de l’anti-thèse du 100% R+ ainsi que du majoritairement R+ avec une pointe de P-. Notre thèse est que l’éducation canine, en tant que moyen d’atteindre un équilibre et une harmonie au sein d’une famille sans nuire au bien-être et à l’épanouissement de chaque membre, a recours aussi à P+ voire à R-, parfois même sans s’en rendre compte, et que ce qui importe est d’en être conscient et de faire en sorte que ce + ne cause ni douleur, ni peur. Son usage ne doit pas être la norme. Son usage doit rester limité. Son usage doit faire réfléchir à la fois l’animal et l’humain et doit amener à travailler un comportement alternatif si cela s’avère indispensable à l’aide de R+ et P- et/ou à travailler sur soi quand on est un stimulus particulièrement aversif malgré nous.

Après avoir relu les commentaires suite à cette publication nous avons pris la décision d’appeler temporairement cela éducation non violente en référence à la communication non violente qui est l’un de nos outils de travail, le privilégié autant que possible et de qualifier le seul P+ admissible comme étant un P+ de nature non violente afin d’être compréhensible. Il apparaît que non violent est parfaitement intelligible y compris par des enfants et ne nous oblige pas à donner une définition, ou à la rappeler, à chaque cours.

Toute dialectique qui se respecte est constituée d’une thèse, anti-thèse et d’une synthèse. Notre synthèse est que depuis cette publication sur les réseaux sociaux nous ne nous réclamons plus de l’éducation positive ou de l’éducation bienveillante sans que cela fasse de nous des adeptes des méthodes coercitives. Il va donc falloir définir un autre genre d’éducation pour nous et pour tous ces professionnels qui pratiquent comme nous. La chose n’ayant pas encore été inventée ni même vraiment débattue, nous sommes dans l’attente d’une appellation consensuelle qui correspond à cette pratique, à moins que les définitions de l’éducation positive ou bienveillante soient revues et les extrémistes du genre modérés dans leur ardeur. La balle est dans le camp des décideurs auxquels nous n’appartenons pas. En attendant on nous pardonnera d’employer les mots que la langue française met à notre disposition pour nous faire comprendre des seuls dont l’avis compte : nos participants à nos séances collectives ou individuelles et les famille de nos chiens.

PS : Cet article n’ouvre pas un nouveau débat. Il est un temps pour le débat et un temps pour l’exposé. Ce qui signifie en d’autres termes que le débat est clos ici ainsi que sur les réseaux sociaux à ce sujet, pour le moment et en ce qui nous concerne. Mode « Punching-ball » désactivé.

Pendant que nous nous consacrions à la rédaction de cet article, le terme de punition empathique© a été proposé et déposé. Après en avoir discuté avec la dépositaire nous sommes d’accord sur le fait que nos deux appellations ont le même sens. Nous utiliserons donc l’un ou l’autre terme indifféremment.

 

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