Chaque année, à l'approche des fêtes et à l'approche des congés, les campagnes de sensibilisation à la surpopulation dans les refuges liée aux abandons rappellent à nos consciences de propriétaires que les chiens et les chats ne bénéficient pas tous des mêmes droits.
Chaque année la corde sensible des amoureux des animaux est titillée pour palier aux actes de désengagement de maîtres très rarement excusables et jamais pénalisés.
Et chaque année, les naisseurs de ces chiens et chats sont cloués au pilori sans distinction en tant que "source du problème" 🙁
On ne peut pas jeter la pierre à ces associations qui se démènent au quotidien pour essayer d'offrir une seconde chance à des animaux en détresse ; elles aimeraient que le flot diminue, que la misère se raréfie au lieu de quoi elles ont à gérer des torrents souvent en crue de chiens et de chats devenus encombrants qui ne sont venus au monde que suite à un accouplement fortuit ou prémédité ... par un éleveur.
Mais si on ne peut pas leur jeter la pierre, on peut toutefois leur rappeler qu'entre l'éleveur et le refuge, il y a eu un acquéreur, un adoptant, un demandeur de compagnie qui a changé de priorités !
Quelles solutions ?
A notre niveau d'éleveur, nous disposons d'assez peu de moyens concrets pour lutter contre les abandons.
Le refus de vente est interdit sous peine d'être attaqué en discrimination ;
une enquête de moralité est inenvisageable sans compter qu'elle nécessiterait l'accès à des données privées (revenus, casier judiciaire ...) ;
quant à évaluer un profil psychologique, on imagine déjà les dérives !
A moins de cesser son activité pour "fermer le robinet des naissances programmées" et par le fait laisser aux naissances fortuites le rôle de conservateur des races et des espèces (?!?), il ne reste aux éleveurs finalement que l'exemplarité et l'excellence se traduisant par des prix suffisamment dissuasifs pour repousser les impulsifs, les déraisonnables ou les sauveurs.
On m'opposera certainement le droit d'être accompagné par un animal même pour les plus démunis ce à quoi je rétorquerais que ce droit s'accompagne de devoirs de soins et qu'à défaut de pouvoir les assurer il est préférable de se priver plutôt que de faire souffrir un chien ou un chat de son infortune.
Cela dit, pratiquer des prix dissuasifs ne règlera pas le problème de la surpopulation dans les refuges, cela ne changera pas le nombre de naissances et peut être même que cela nous mettra hors de portée d'excellents propriétaires.
C'est exact mais cela permettra déjà que NOS chiots/chatons soient moins concernés par les abandons.
Ensuite, il y a des messages à faire passer :
• Le low cost est incompatible avec la qualité. L'élevage n'est pas qu'une affaire de saillie/mise-bas suivie d'une vente, les moyens mis en œuvre pour assurer le développement physique et cognitif des bébés demandent des compétences techniques et des infrastructures couteuses.
• Les acquéreurs ont un travail de réflexion à avoir que nous, éleveurs, pouvons initier par la communication, que les associations de Protection Animale auraient intérêt à relayer et que les Médias seraient inspirés de diffuser plutôt que de faire du sensationnel sans effet durable (sauf sur leur CA).
On a tous cru que l'ordonnance du 7 octobre 2015 allait enfin résoudre le problème de l'élevage de masse pratiqué par des particuliers ou pseudo-particuliers s'avérant être la concurrence la plus déloyale qui soit pour des professionnels contraints au paiement de charges, de taxes mais c'était sans compter sur le "je-m'en-foutisme" des sites d'annonces.
Du coup certains se sont lancés dans la croisade de la dénonciation pour rétablir les égalités. Sauf qu'hormis donner l'illusion de limiter la concurrence, en quoi cela garantit-il le maintien de LEURS chiots/chatons dans leur famille d'accueil.
S'impliquer dans la qualité du lien qui va unir l'animal à sa famille, lui éviter à cette famille de commettre des erreurs de soins et d'éducation ne porterait-il pas davantage ses fruits et ne servirait-il pas plus efficacement la cause animale sur le long terme plutôt que d'essayer de faire disparaître les malhonnêtes ?
L'abandon n'est ni plus ni moins qu'une rupture du lien
Travailler à la création et à la consolidation de ce lien est ce qui protège le mieux les animaux de compagnie. Et pour le créer, il faut quand même un minimum de "matière", un semblant d'affinités, de compatibilités entre les protagonistes et dans la mesure du possible peu, voire pas du tout, d'entraves ou de menaces.
Si l'acceptation de payer le juste prix constitue un premier acte d'engagement du propriétaire, que l'accompagnement veille à éviter les erreurs qui compromettent la relation et sécurise donc le lien, il n'en reste pas moins qu'une certaine conformité aux attentes, non déraisonnables il va sans dire, est également un sérieux atout pour éviter les déceptions qui causent les désamours qui conduisent parfois à la rupture.
Même cher payé et suivi par son éleveur, un chien ou un chat qui ne comble pas les besoins de sa famille parce qu'il est né d'une sélection en faisant abstraction aura plus de "chances" de perdre sa place dans son foyer, de ne plus faire partie des priorités eut égard un physique inattendu, une santé couteuse ou un comportement intrinsèque fortement indésirable.
Si les éleveurs, pouvaient entendre cette "prière" et cesser de favoriser des caractéristiques incompatibles/contraires aux attentes des futurs propriétaires, peut-être parviendraient-ils à renouer avec un peu de légitimité et à faire cesser en partie le flot des abandons de chiens et de chats ayant juste eu le tort de décevoir.
En conclusion de cette réflexion
et parce qu'il est plus qu'évident que l'élevage, même professionnel et même de sélection, ne peut se dédouaner totalement en matière de surpopulation dans les refuges, il apparaît comme nécessaire d'abandonner certaines pratiques dont les conséquences semblent avoir quelque peu échapper à leurs adeptes.
→ Tenter de coller à un prix attractif ou chercher à le concurrencer malgré son évidente faiblesse, outre à dévaloriser son métier et inciter à faire des coupes franches dans des budgets, fait perdre de sa valeur, de sa préciosité à l'animal et fait oublier l'investissement que son adoption requiert.
→ Négliger le suivi, que l'on manque de temps ou de compétences relationnelles livre l'acquéreur à lui même, aux conseillers de tous bords, aux détracteurs de l'élevage et des races ce qui place l'animal dans une situation encore plus vulnérable (surtout s'il a le tord de mal réagir aux erreurs du propriétaire inexpérimenté).
→ Quant à faire naître des aberrations sanitaires ou fonctionnelles, des vagues copies ou des "Ferrari" juste pour s'enrichir ou s'enorgueillir, il ne faut pas s'étonner qu'après l'élevage tout entier soit targué d'exploitation animale surtout quand il bafoue le bien-être et la bientraitance comme dans les fermes-usine ou chez certains producteurs 🙁